Le regard du shaman se porta sur le sol. Il était recouvert d’une fine couverture blanche. « De la neige ? ». Il s’interrogeait. Les deux premières lunes d’Obaa, le printemps, étaient déjà écoulées. Intrigué, il se pencha au sol, et en saisit une poignée. Il eut l’impression de tenir un feu. « De la cendre. » dit-il. De la cendre, sans feu. Le village en était recouvert. Il n’y avait plus âme qui vive. Il leva la tête et aperçut au loin un renard au pelage blanc comme l’ivoire. Il connaissait cet animal. C’était le messager de Seral, l’esprit de l’hiver. Kalessin le suivit alors que celui-ci s’enfonçait dans une sombre forêt. Ils finirent par atteindre une clairière où reposait une sphère de pure lumière. Il tenta de s’en approcher, mais fut projeté violemment au sol. Entre lui et la sphère se tenait un aigle noir comme la nuit. Chaque battement d’ailes s’accompagnait d’une pluie de cendre. Le rapace fondit sur lui, ses menaçantes serres dirigées vers ses yeux.

Dans un sursaut, Kalessin reprit connaissance. Il était dans la caverne des esprits, la même caverne qu’il avait rejointe quelques instants plus tôt pour entrer en transe méditative. Était-ce un rêve ? Non, pas un rêve. Un présage, une prophétie. Il se leva, et rejoignit les tentes. Le village était animé comme d’habitude. Chacun vaquait à ses occupations, profitant du soleil et de sa douce chaleur. Son visage ne montrait rien de la terrible vision, mais elle continuait de le hanter. Une rumeur se fit entendre, puis se transforma en cris. Un groupe de chasseurs revenait, transportant l’un des leurs sur une peau vers la tente du guérisseur. Une scène courante. Pourtant, elle attira tous les regards. Intrigué, Kalessin s’approcha du blessé. Il s’arrêta immédiatement reconnaissant Treor, le chef de la tribu.

Son corps était couvert de marques de serres, et ses yeux avaient été arrachés.

Le Shaman s’agenouilla à côté du chasseur blessé. Celui-ci dans son délire répétait inlassablement.

« Il est là… »

Kalessin resta interdit. Il rejoignit sa tente, dans l'ombre. Il savait que la blessure du chef et sa vision étaient liées, mais il savait aussi que les messages des esprits étaient soumis à interprétation. Seral tentait de lui envoyer un message, maintenant il devait le comprendre. Il décida donc de garder le secret, pour ne pas déclencher une panique générale, laissant le peuple de Laetolia dans son insouciance, tant qu'il en était encore temps...